22 Avril 1991
Le matin du 22 avril 1991, une forte gelée blanche avait recouvert toute la végétation. La vigne était au stade 4 feuilles et le soir même tous les bourgeons étaient gelés. Il ne restait rien. Une attente de 3 semaines et de nouveaux bourgeons sont sortis mais la récolte 1991 a été anéantie. Il y a fallu plusieurs années de courage pour effacer les conséquences de cette catastrophe.
Cette année 2020, la vigne a facilement une quinzaine de jours d’avance par rapport à 1991, preuve indéniable du réchauffement climatique à l’œuvre. Aucune menace de gel ne se profile dans la semaine à venir.
Par contre, l’humanité toute entière est frappée par une crise sanitaire sans précédent par sa vitesse de propagation à travers la planète. Nous comprenons aujourd’hui que cette crise sanitaire sera longue et que l’économie sera sûrement chamboulée.
Dans la deuxième moitié du 19° siècle, la vigne a connu aussi une crise très importante, du fait du premier grand développement des échanges commerciaux. Deux champignons, l’oïdium, le mildiou et un insecte, le phylloxéra, venus d’Amérique se sont répandus en Europe de façon foudroyante pour l’époque. Ils ont bien failli anéantir toute viticulture. A l’époque, la multiplicité des terroirs, et des cépages ont permis de résister un temps, mais c’est avec le greffage sur des porte- greffes américains, et l’emploi des produits phytosanitaires (le sulfatage) que l’on a pu sauver la viticulture.
Par la suite, du fait de la replantation générale du vignoble européen, et de la destruction de la plupart des vignes sauvages, un appauvrissement génétique indéniable a manqué de fragiliser irrémédiablement la viticulture. C’est grâce à quelques agronomes passionnés qui se sont mobilisés avec l’aide de vignerons solidaires que la majorité des cépages connus partout en Europe ont été sauvegardés. En France nous avons le conservatoire dans les sables de Marseillan.
Le vignoble de Gaillac leur en est redevable aujourd’hui puisque nous avons pu, à partir des années 1960, replanter un certains d’entre eux tel que le Braucol, le Prunelard, le Len de L’el ou l’Oudenc qui ont bien failli disparaitre dans la crise. Et aujourd’hui, sur le terroir de Brames-Aïgues, est installé le conservatoire départemental.
La diversité génétique, le développement des réseaux d’échanges, la solidarité entre vignerons, c’est ce qui a permis de surmonter la crise viticole du 19em siècle. Et qui a permis par la suite d’étendre la culture de la vigne partout dans le monde, en Amérique, en Extrême orient, en Afrique, en Océanie.
Nous surmonterons cette crise sanitaire du Covid-19, grâce au dynamisme de la recherche, grâce à la solidarité entre les peuples, grâce au réseau d’échanges jamais autant développé. Et grâce au effort de chacun
Et notre espérance de vigneron(ne) est de pouvoir en continuer le commerce, pour ainsi faire partager le plaisir du vin au monde entier !
Alain Boullenger, Le 25 avril 2020.